• Aux hirondelles

    Aux Hirondelles

    De l’aile effleurant mon visage,
    Volez, doux oiseaux de passage,
    Volez sans peur tout près de moi !
    Avec amour je vous salue ;
    Descendez du haut de la nue,
    Volez, et n’ayez nul effroi !

    Des mois d’or aux heures légères,
    Venez, rapides messagères,
    Venez, mes sœurs, je vous attends !
    Comme vous je hais la froidure,
    Comme vous j’aime la verdure,
    Comme vous j’aime le printemps !

    Vous qui des pays de l’aurore
    Nous arrivez tièdes encore,
    Dites, les froids vont donc finir !
    Ah ! contez-nous de jeunes choses,
    Parlez-nous de nids et de roses,
    Parlez-nous d’un doux avenir !

    Parlez-moi de soleil et d’ondes,
    D’épis flottants, de plaines blondes,
    De jours dorés, d’horizons verts ;
    De la terre enfin réveillée,
    Qui se mourait froide et mouillée
    Sous le dais brumeux des hivers.

    L’hiver, c’est le deuil de la terre !
    Les arbres n’ont plus leur mystère ;
    Oiseaux et bardes sont sans toits ;
    Une bise à l’aile glacée
    A nos fronts tarit la pensée,
    Tarit la sève au front des bois.

    Le ciel est gris, l’eau sans murmure,
    Et tout se meurt ; sur la nature
    S’étend le linceul des frimas.
    Heureux, alors, sur d’autres plages,
    Ceux qui vont chercher les feuillages
    Et les beaux jours des beaux climats !

    O très heureuses hirondelles !
    Si comme vous j’avais des ailes,
    J’irais me baigner d’air vermeil ;
    Et, loin de moi laissant les ombres,
    Je fuirais toujours les cieux sombres
    Pour toujours suivre le soleil !

    Saint-Nazaire, avril 1840

    Auguste Lacaussade, Poèmes et Paysages, 1897

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  • Les parfums

    Titre : Les parfums

     

    Poète : Albert Mérat (1840-1909)

     

    Recueil : Les chimères (1866).

     

    La moisson sent le pain : la terre boulangère
    Se trahit dans ses lourds épis aux grains roussis,
    Et caresse au parfum de ses chaumes durcis
    L'odorat du poète et de la ménagère.

    La tête dans l'air bleu, les pieds dans la fougère,
    Les bois sont embaumés d'un arôme indécis.
    La mer souffle, en mourant sur les rochers noircis,
    Son haleine salubre et sa vapeur légère.

    L'Océan, la moisson jaune, les arbres verts,
    Voilà les bons et grands parfums de l'univers ;
    Et l'on doute lequel est le parfum suprême.

    J'oubliais les cheveux, tissu fragile et blond,
    Qu'on déroule et qu'on fait ruisseler tout du long,
    Tout du long des reins blancs de la femme qu'on aime.

    Albert Mérat.

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  • Titre : La cigogne

     

    Poète : Auguste Angellier (1848-1911)

     

    Recueil : Le chemin des saisons (1903).

     
    Quand la blanche cigogne, à travers le ciel bleu,
    Frappant à larges coups d'air de sa puissante aile,
    Le col tendu, ses pieds roses pendant sous elle,
    Vole vers les climats d'or, d'azur et de feu,

    Emportée à son rêve, et buvant dans l'éther
    L'ivresse des éclairs, elle perçoit à peine
    Le long déroulement de l'incessante plaine,
    Des fleuves, des forêts, des vallons, de la mer ;

    Les champs et les coteaux, sortant de l'horizon,
    Disparaissent soudain dans une fuite infime ;
    Et les grandes cités, comme au fond d'un abîme,
    N'existent qu'un instant et s'éloignent d'un bond ;

    Un jour lui fait franchir les bornes d'un pays ;
    Dans les vents quelle fend ou bien qu'elle devance,
    Infatigablement son fort désir la lance
    Vers les cieux aux soleils toujours épanouis.

    Mais soudain son regard prodigieux a vu,
    Dans la fente d'un roc, sous un pied de fougère,
    Ramper le glissement furtif d'une vipère ;
    Son inflexible vol d'un coup s'est abattu.

    Quand sa chute s'arrête et remonte en essor,
    Elle emporte, dans l'air frissonnant, le reptile,
    Et, dans son bec couleur d'aurore, le mutile,
    Tandis qu'en noirs replis il se noue et se tord.

    Alors, songeant toujours aux éclatants soleils,
    Aux longues stations au bord des eaux sacrées,
    Ou sur les minarets aux coupoles dorées
    Où le soir lumineux ruisselle en flots vermeils,

    Joyeuse, elle reprend, à la calme hauteur
    D'où les terres sans fin redeviennent lointaines,
    Son vol splendide, dont l'ourlet noir de ses pennes
    Isole dans l'azur l'éclatante blancheur.

    Auguste Angellier.

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  • Après l’Homme

    Après l’Homme, après l’Homme,
    Qui dira aux fleurs comment elles se nomment ?
    Après l’Homme, après l’Homme,
    quand aura passé l’heure de vie du dernier Homme.

    Qui dira aux fleurs
    combien elles sont belles ?
    N’y aura de coeur
    à battre pour elles.

    Après l’Homme, après l’Homme,
    que sera encore le mot « merveilleux » ?
    Après l’Homme, après l’Homme,
    quand le dernier des hommes aura vidé les lieux.

    Qui dira de la Terre
    Qu’elle est sans pareille
    et que dans l’Univers
    elle est fleur de Soleil ?

    Après l’Homme, après l’Homme…

    Viens-t’en donc pour lors,
    viens-t’en donc l’ami,
    et chantons encore
    le jour d’aujourd’hui.

    Esther Granek, De la pensée aux mots, 1997

     

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  • Coup de blues !

    Le défi nous a surpris, comme toujours en France
    Un ennemi couronné aux confins des confiances
    Qui s’agrippe à nos corps et pollue nos pensées
    Un ennemi infime, s’insérant dans nos vies !

    La partie est lancée et les dés sont jetés,
    Où sont passées les armes de notre santé ?
    La nature nous étouffe en visitant nos chairs
    Regardez-la, aimante, mais hélas guerrière. !

    Elle nous a tout offert, nous l’avons reniée
    Masquée sous du bitume et des tonnes de pierres !
    Des hommes sages et savants nous l’avaient expliqué
    Leur bel enseignement, nous l’avons négligé… !

    Quel pire ennemi que la Nature en colère
    Des volcans endormis se réveillant en Terre
    Des Tsunamis, des cyclones, des tempêtes
    Des débordements, des brûlures de guerre,

    Des êtres minuscules qui nous amènent en terre

    Mais nous, demi-dieux gonflés d’orgueil
    Que pouvons-nous y faire ?
    Sinon nous couvrir de silence et de vaines prières !

    Pierre Saint Vincent

    https://www.pierresaintvincent.com

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  •  Et ma Muse...

     

    Ne faites pas de bruit et laissez ma plume muette

    S'endormir pour un temps, 

    Les poèmes rêvés qui sortent de ma tête, 

    S'émiettent en fragments. 

    Si c'est ma Muse, revoilà ma chance, 

     Qui revient ce soir, 

    Parmi ma solitude, errer dans mon silence, 

     Où j'aime la revoir. 

    Et je réentends dans mon cœur sans âge, 

    Sonner fort l'angélus, 

    Pour chasser l'hiver et tous les nuages, 

    Que vive ce consensus ! 

    Peu m'importe qu'après je me réveille, 

    Puisque que je l'aurai revue, 

    En qu'en fait, mon bonheur ne s'émerveille, 

    Que dans ses bras nus. 

    Car je l'atteste ici tout ce qui fait ma joie, 

    Mon art, ma volupté, 

    La lumière, le ciel le Canigou qui flamboie, 

     C'est d'être à ses côtés. 

    Le nuit tombe et j'écoute car mon âme s'est tue, 

    Comme celle du troubadour, 

    Mon cœur redevient vite triste, je me sens perdu, 

    A la mort du jour. 

    Taisez-vous et laissez, Ami(e)s ma plume, 

    s'éteindre lentement, 

    Des poèmes mal écrits qu'elle exhume, 

    Ont un avant-goût de printemps. 

    TIMILLO

    https://www.lejardinpoétiquedetimilo.com

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  • Pluie

    Ce nuage est bien noir : - sur le ciel il se roule,
    Comme sur les galets de la côte une houle.
    L'ouragan l'éperonne, il s'avance à grands pas.
    - A le voir ainsi fait, on dirait, n'est-ce pas ?
    Un beau cheval arabe, à la crinière brune,
    Qui court et fait voler les sables de la dune.
    Je crois qu'il va pleuvoir : - la bise ouvre ses flancs,
    Et par la déchirure il sort des éclairs blancs.
    Rentrons. - Au bord des toits la frêle girouette
    D'une minute à l'autre en grinçant pirouette,
    Le martinet, sentant l'orage, près du sol
    Afin de l'éviter rabat son léger vol ;
    - Des arbres du jardin les cimes tremblent toutes.
    La pluie ! - Oh ! voyez donc comme les larges gouttes
    Glissent de feuille en feuille et passent à travers
    La tonnelle fleurie et les frais arceaux verts !
    Des marches du perron en longues cascatelles,
    Voyez comme l'eau tombe, et de blanches dentelles
    Borde les frontons gris ! - Dans les chemins sablés,
    Les ruisseaux en torrents subitement gonflés
    Avec leurs flots boueux mêlés de coquillages
    Entraînent sans pitié les fleurs et les feuillages ;
    Tout est perdu : - Jasmins aux pétales nacrés,
    Belles-de-nuit fuyant l'astre aux rayons dorés,
    Volubilis chargés de cloches et de vrilles,
    Roses de tous pays et de toutes famines,
    Douces filles de Juin, frais et riant trésor !
    La mouche que l'orage arrête en son essor,
    Le faucheux aux longs pieds et la fourmi se noient
    Dans cet autre océan dont les vagues tournoient.
    - Que faire de soi-même et du temps, quand il pleut
    Comme pour un nouveau déluge, et qu'on ne peut
    Aller voir ses amis et qu'il faut qu'on demeure ?
    Les uns prennent un livre en main afin que l'heure
    Hâte son pas boiteux, et dans l'éternité
    Plonge sans peser trop sur leur oisiveté ;
    Les autres gravement font de la politique,
    Sur l'ouvrage du jour exercent leur critique ;
    Ceux-ci causent entre eux de chiens et de chevaux,
    De femmes à la mode et d'opéras nouveaux ;
    Ceux-là du coin de l'oeil se mirent dans la glace,
    Débitent des fadeurs, des bons mots à la glace,
    Ou, du binocle armés, regardent un tableau.
    - Moi, j'écoute le son de l'eau tombant dans l'eau

    Théophile GAUTHIER

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