• Nôtre âme de ce soir

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  • La jeunesse - Anna de Noailles

    Tout le plaisir de vivre est tenu dans vos mains,
    Ô Jeunesse joyeuse, ardente, printanière,
    Autour de qui tournoie l'emportement humain
    Comme une abeille autour d'une branche fruitière !

    Vous courez dans les champs, et le vol d'un pigeon
    Fait plus d'ombre que vous sur l'herbe soleilleuse.
    Vos yeux sont verdoyants, pareils à deux bourgeons,
    Vos pieds ont la douceur des feuilles cotonneuses.

    Vous habitez le tronc fécond des cerisiers
    Qui reposent sur l'air leurs pesantes ramures,
    Votre coeur est léger comme un panier d'osier
    Plein de pétales vifs, de tiges et de mûres.

    C'est par vous que l'air joue et que le matin rit,
    Que l'eau laborieuse ou dolente s'éclaire,
    Et que les coeurs sont comme un jardin qui fleurit
    Avec ses amandiers et ses roses trémières !

    C'est par vous que l'on est vivace et glorieux,
    Que l'espoir est entier comme la lune ronde,
    Et que là bonne odeur du jour d'été joyeux
    Pénètre largement la poitrine profonde !

    C'est par vous que l'on est incessamment mêlé
    À la chaude, odorante et bruyante nature ;
    Qu'on est fertile ainsi qu'un champ d'orge et de blé,
    Beau comme le matin et comme la verdure.

    Ah ! jeunesse, pourquoi faut-il que vous passiez
    Et que nous demeurions pleins d'ennuis et pleins d'âge,
    Comme un arbre qui vit sans lierre et sans rosier,
    Qui souffre sur la route et ne fait plus d'ombrage…

     

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  • Chaleur

    Chaleur

    Tout luit, tout bleuit, tout bruit,

    Le jour est brûlant comme un fruit

    Que le soleil fendille et cuit.

    Chaque petite feuille est chaude

    Et miroite dans l’air où rôde

    Comme un parfum de reine-claude.

    Du soleil comme de l’eau pleut

    Sur tout le pays jaune et bleu

    Qui grésille et oscille un peu.

    Un infini plaisir de vivre

    S’élance de la forêt ivre,

    Des blés roses comme du cuivre.

    Anna de NOAILLES

     

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  • À la nuit

    Nuits où meurent l’azur, les bruits et les contours,
    Où les vives clartés s’éteignent une à une,
    Ô nuit, urne profonde où les cendres du jour
    Descendent mollement et dansent à la lune.

    Jardin d’épais ombrage, abri des corps déments,
    Grand cœur en qui tout rêve et tout désir pénètre
    Pour le repos charnel ou l’assouvissement,
    Nuit pleine des sommeils et des fautes de l’être.

    Nuit propice aux plaisirs, à l’oubli, tour à tour,
    Où dans le calme obscur l’âme s’ouvre et tressaille
    Comme une fleur à qui le vent porte l’amour,
    Ou bien s’abat ainsi qu’un chevreau dans la paille.

    Nuit penchée au-dessus des villes et des eaux,
    Toi qui regardes l’homme avec tes yeux d’étoiles,
    Vois mon cœur bondissant ivre comme un bateau,
    Dont le vent rompt le mât et fait claquer la toile.

    Regarde, nuit dont l’œil argente les cailloux,
    Ce cœur phosphorescent dont la vive brûlure
    Éclairerait ainsi que les yeux des hiboux
    L’heure sans clair de lune où l’ombre n’est pas sûre.

    Vois mon cœur plus rompu, plus lourd et plus amer
    Que le rude filet que les pêcheurs nocturnes
    Lèvent, plein de poissons, d’algues et d’eau de mer
    Dans la brume mouillée agile et taciturne.

    À ce cœur si rompu, si amer et si lourd,
    Accorde le dormir sans songes et sans peines,
    Sauve-le du regret, de l’orgueil, de l’amour,
    Ô pitoyable nuit, mort brève, nuit humaine !…

    Anna de Noailles, Le Cœur innombrable, 1901

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  • Anna de NOAILLES
    1876 - 1933

     

    Les rêves

    Le visage de ceux qu'on n'aime pas encor
    Apparaît quelquefois aux fenêtres des rêves,
    Et va s'illuminant sur de pâles décors
    Dans un argentement de lune qui se lève.

    Il flotte du divin aux grâces de leur corps,
    Leur regard est intense et leur bouche attentive ;
    Il semble qu'ils aient vu les jardins de la mort
    Et que plus rien en eux de réel ne survive.

    La furtive douceur de leur avènement
    Enjôle nos désirs à leurs vouloirs propices,
    Nous pressentons en eux d'impérieux amants
    Venus pour nous afin que le sort s'accomplisse ;

    Ils ont des gestes lents, doux et silencieux,
    Notre vie uniment vers leur attente afflue :
    Il semble que les corps s'unissent par les yeux
    Et que les âmes sont des pages qu'on a lues.

    Le mystère s'exalte aux sourdines des voix,
    A l'énigme des yeux, au trouble du sourire,
    A la grande pitié qui nous vient quelquefois
    De leur regard, qui s'imprécise et se retire...

    Ce sont des frôlements dont on ne peut guérir,
    Où l'on se sent le coeur trop las pour se défendre,
    Où l'âme est triste ainsi qu'au moment de mourir ;
    Ce sont des unions lamentables et tendres...

    Et ceux-là resteront, quand le rêve aura fui,
    Mystérieusement les élus du mensonge,
    Ceux à qui nous aurons, dans le secret des nuits,
    Offert nos lèvres d'ombre, ouvert nos bras de songe.

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