• Les rêves

    Anna de NOAILLES
    1876 - 1933

     

    Les rêves

    Le visage de ceux qu'on n'aime pas encor
    Apparaît quelquefois aux fenêtres des rêves,
    Et va s'illuminant sur de pâles décors
    Dans un argentement de lune qui se lève.

    Il flotte du divin aux grâces de leur corps,
    Leur regard est intense et leur bouche attentive ;
    Il semble qu'ils aient vu les jardins de la mort
    Et que plus rien en eux de réel ne survive.

    La furtive douceur de leur avènement
    Enjôle nos désirs à leurs vouloirs propices,
    Nous pressentons en eux d'impérieux amants
    Venus pour nous afin que le sort s'accomplisse ;

    Ils ont des gestes lents, doux et silencieux,
    Notre vie uniment vers leur attente afflue :
    Il semble que les corps s'unissent par les yeux
    Et que les âmes sont des pages qu'on a lues.

    Le mystère s'exalte aux sourdines des voix,
    A l'énigme des yeux, au trouble du sourire,
    A la grande pitié qui nous vient quelquefois
    De leur regard, qui s'imprécise et se retire...

    Ce sont des frôlements dont on ne peut guérir,
    Où l'on se sent le coeur trop las pour se défendre,
    Où l'âme est triste ainsi qu'au moment de mourir ;
    Ce sont des unions lamentables et tendres...

    Et ceux-là resteront, quand le rêve aura fui,
    Mystérieusement les élus du mensonge,
    Ceux à qui nous aurons, dans le secret des nuits,
    Offert nos lèvres d'ombre, ouvert nos bras de songe.

    « Cécile VeilhanLes rêves-pps- »
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