• Le poète s'en va dans les champs

     Le poète s'en va dans les champs
    Poète : Victor Hugo (1802-1885)

    Le poète s'en va dans les champs ; il admire.
    Il adore ; il écoute en lui-même une lyre ;
    Et le voyant venir, les fleurs, toutes les fleurs.
    Celles qui des rubis font pâlir les couleurs.
    Celles qui des paons même éclipseraient les queues.
    Les petites fleurs d'or, les petites fleurs bleues.
    Prennent, pour l'accueillir agitant leurs bouquets.
    De petits airs penchés ou de grands airs coquets,
    Et, familièrement, car cela sied aux belles :
    — Tiens ! c'est notre amoureux qui passe ! disent-elles.
    Et, pleins de jour et d'ombre et de confuses voix.
    Les grands arbres profonds qui vivent dans les bois,
    Tous ces vieillards, les ifs, les tilleuls, les érables.
    Les saules tout ridés, les chênes vénérables,
    L'orme au branchage noir, de mousse appesanti.
    Comme les ulémas quand paraît le muphti ;
    Lui font de grands saluts et courbent jusqu'à terre
    Leurs têtes de feuillée et leurs barbes de lierre.
    Contemplent de son front la sereine lueur.
    Et murmurent tout bas : C'est lui ! c'est le rêveur !

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  • Après l'hiver

    Après l’hiver

    Victor Hugo

    N’attendez pas de moi que je vais vous donner
    Des raisons contre Dieu que je vois rayonner ;
    La nuit meurt, l’hiver fuit ; maintenant la lumière,
    Dans les champs, dans les bois, est partout la première.
    Je suis par le printemps vaguement attendri.
    Avril est un enfant, frêle, charmant, fleuri ;
    Je sens devant l’enfance et devant le zéphyre
    Je ne sais quel besoin de pleurer et de rire ;
    Mai complète ma joie et s’ajoute à mes pleurs.
    Jeanne, George, accourez, puisque voilà des fleurs.
    Accourez, la forêt chante, l’azur se dore,
    Vous n’avez pas le droit d’être absents de l’aurore.
    Je suis un vieux songeur et j’ai besoin de vous,
    Venez, je veux aimer, être juste, être doux,
    Croire, remercier confusément les choses,
    Vivre sans reprocher les épines aux roses,
    Être enfin un bonhomme acceptant le bon Dieu.

    Ô printemps ! bois sacrés ! ciel profondément bleu !
    On sent un souffle d’air vivant qui vous pénètre,
    Et l’ouverture au loin d’une blanche fenêtre ;
    On mêle sa pensée au clair-obscur des eaux ;
    On a le doux bonheur d’être avec les oiseaux
    Et de voir, sous l’abri des branches printanières,
    Ces messieurs faire avec ces dames des manières.

     

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  • Liberté

    Liberté !

    De quel droit mettez-vous des oiseaux dans des cages ?

    De quel droit ôtez-vous ces chanteurs aux bocages,
    Aux sources, à l'aurore, à la nuée, aux vents ?
    De quel droit volez-vous la vie à des vivants ?
    Homme, crois-tu que Dieu, ce père, fasse naître
    L'aile pour l'accrocher au clou de ta fenêtre ?
    Ne peux-tu vivre heureux et content sans cela ?
    Qu'est-ce qu'ils ont donc fait tous ces innocents-là
    Pour être au bagne avec leur nid et leur femelle ?

    Qui sait comment leur sort à notre sort se mêle ?
    Qui sait si le verdier qu'on dérobe aux rameaux,
    Qui sait si le malheur qu'on fait aux animaux
    Et si la servitude inutile des bêtes
    Ne se résolvent pas en Nérons sur nos têtes ?
    Qui sait si le carcan ne sort pas des licous ?
    Oh ! de nos actions qui sait les contre-coups,
    Et quels noirs croisements ont au fond du mystère
    Tant de choses qu'on fait en riant sur la terre ?
    Quand vous cadenassez sous un réseau de fer
    Tous ces buveurs d'azur faits pour s'enivrer d'air,
    Tous ces nageurs charmants de la lumière bleue,
    Chardonneret, pinson, moineau franc, hochequeue,
    Croyez-vous que le bec sanglant des passereaux
    Ne touche pas à l'homme en heurtant ces barreaux ?
    Prenez garde à la sombre équité. Prenez garde !
    Partout où pleure et crie un captif, Dieu regarde.
    Ne comprenez-vous pas que vous êtes méchants ?
    À tous ces enfermés donnez la clef des champs !
    Aux champs les rossignols, aux champs les hirondelles !
    Les âmes expieront tout ce qu'on fait aux ailes.
    La balance invisible a deux plateaux obscurs.
    Prenez garde aux cachots dont vous ornez vos murs !
    Du treillage aux fils d'or naissent les noires grilles ;
    La volière sinistre est mère des bastilles

    Respect aux doux passants des airs, des prés, des eaux !
    Toute la liberté qu'on prend à des oiseaux
    Le destin juste et dur la reprend à des hommes.
    Nous avons des tyrans parce que nous en sommes.
    Tu veux être libre, homme ? et de quel droit, ayant
    Chez toi le détenu, ce témoin effrayant ?
    Ce qu'on croit sans défense est défendu par l'ombre.
    Toute l'immensité sur le pauvre oiseau sombre
    Se penche, et te dévoue à l'expiation.
    Je t'admire, oppresseur, criant : oppression !
    Le sort te tient pendant que ta démence brave
    Ce forçat qui sur toi jette une ombre d'esclave ;
    Et la cage qui pend au seuil de ta maison
    Vit, chante, et fait sortir de terre la prison.

    - Victor Hugo (La Légende des siècles)

     

     

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  • 1er janvier

     

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  • En hiver, la terre pleure

    En hiver la terre pleure

    En hiver la terre pleure ;

    Le soleil froid, pâle et doux,

    Vient tard, et part de bonne heure,

    Ennuyé du rendez-vous.

    Leurs idylles sont moroses. -

    Soleil ! aimons ! - Essayons.

    O terre, où donc sont tes roses ? -

    Astre, où donc sont tes rayons ?

    Il prend un prétexte, grêle,

    Vent, nuage noir ou blanc, Et dit : -

    C'est la nuit, ma belle ! –

    Et la fait en s'en allant ;

    Comme un amant qui retire

    Chaque jour son coeur du noeud,

    Et, ne sachant plus que dire,

    S'en va le plus tôt qu'il peut.

    Victor Hugo

     

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  • La saison décline

    Voici que la saison décline

    Voici que la saison décline,

    L’ombre grandit, l’azur décroît,

    Le vent fraîchit sur la colline,

    L’oiseau frissonne, l’herbe a froid.

    Août contre septembre lutte ;

    L’océan n’a plus d’alcyon ;

    Chaque jour perd une minute,

    Chaque aurore pleure un rayon.

    La mouche, comme prise au piège,

    Est immobile à mon plafond ;

    Et comme un blanc flocon de neige,

    Petit à petit, l’été fond.

    Victor Hugo

     

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  • Mère, l'enfant

     

    Titre : Mères, l'enfant qui joue à votre seuil joyeux

    Poète : Victor Hugo (1802-1885)

    Recueil : Les rayons et les ombres (1840).

    Mères, l'enfant qui joue à votre seuil joyeux,
    Plus frêle que les fleurs, plus serein que les cieux,
    Vous conseille l'amour, la pudeur, la sagesse.
    L'enfant, c'est un feu pur dont la chaleur caresse ;
    C'est de la gaîté sainte et du bonheur sacré,
    C'est le nom paternel dans un rayon doré ;
    Et vous n'avez besoin que de cette humble flamme
    Pour voir distinctement dans l'ombre de votre âme.
    Mères, l'enfant que l'on pleure et qui s'en est allé,
    Si vous levez vos fronts vers le ciel constellé,
    Verse à votre douleur une lumière auguste ;
    Car l'innocent éclaire aussi bien que le juste !
    Il montre, clarté douce, à vos yeux abattus,
    Derrière notre orgueil, derrière nos vertus,
    Derrière nos malheurs, Dieu profond et tranquille.
    Que l'enfant vive ou dorme, il rayonne toujours !
    Sur cette terre où rien ne va loin sans secours,
    Où nos jours incertains sur tant d'abîmes pendent,
    Comme un guide au milieu des brumes que répandent
    Nos vices ténébreux et nos doutes moqueurs,
    Vivant, l'enfant fait voir le devoir à vos coeurs ;
    Mort, c'est la vérité qu'à votre âme il dévoile.
    Ici, c'est un flambeau ; là-haut, c'est une étoile.

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