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    Le temps qui reste

    Combien de temps ?
    Combien de temps encore ?
    Des années, des jours, des heures, combien ?
    Quand j'y pense, mon cœur bat si fort
    Mon pays c'est la vie
    Combien de temps encore ?
    Combien ?
    Je l'aime tant le temps qui reste
    Je veux rire, courir, pleurer, parler
    Et voir, et croire et boire, danser
    Crier, manger, nager, bondir, désobéir
    J'ai pas fini, j'ai pas fini
    Voler, chanter, partir, repartir
    Souffrir, aimer
    Je l'aime tant le temps qui reste

    Je ne sais plus où je suis né, ni quand 
    Je sais qu'il n'y a pas longtemps
    Que mon pays c'est la vie
    Je sais aussi que mon père disait :
    "Le temps c'est comme ton pain
    Gardes-en pour demain"
    J'ai encore du pain
    Encore du temps, mais combien ?
    Je veux jouer encore
    Je veux rire des montagnes de rires
    Je veux pleurer des torrents de larmes
    Je veux boire des bateaux entiers de vin de Bordeaux et d'Italie
    Et danser, crier, voler, nager dans tous les océans
    J'ai pas fini, j'ai pas fini
    Je veux chanter
    Je veux parler jusqu'à la fin de ma voix
    Je l'aime tant le temps qui reste

    Combien de temps ?
    Combien de temps encore ?
    Des années, des jours, des heures, combien ?
    Je veux des histoires, des voyages
    J'ai tant de gens à voir, tant d'images
    Des enfants, des femmes, des grands hommes
    Des petits hommes, des marrants, des tristes
    Des très intelligents et des cons
    C'est drôle, les cons ça repose
    C'est comme le feuillage au milieu des roses

    Combien de temps ?
    Combien de temps encore ?
    Des années, des jours, des heures, combien ?
    Je m'en fous mon amour
    Quand l'orchestre s'arrêtera, je danserai encore
    Quand les avions ne voleront plus, je volerai tout seul
    Quand le temps s'arrêtera
    Je t'aimerai encore
    Je ne sais pas où, je ne sais pas comment
    Mais je t'aimerai encore
    D'accord ?

    Jean-Loup Dabadie (1938-)
    Romancier, auteur de sketches et de chansons, auteur et metteur en scène, traducteur, scénariste et dialoguiste, Jean-Loup Dabadie signera plusieurs titres pour Serge Reggiani :  Le Petit garçon (1967), Et puis (1968), De quelles Amériques (1970), L’Italien (1971), Hôtel des voyageurs (1972), Les mensonges d’un père à son fils(1972), Le vieux couple (1972).

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  • Le printemps

    Les bourgeons verts, les bourgeons blancs
    Percent déjà le bout des branches,
    Et, près des ruisseaux, des étangs
    Aux bords parsemés de pervenches,
    Teintent les arbustes tremblants ;

    Les bourgeons blancs, les bourgeons roses,
    Sur les buissons, les espaliers,
    Vont se changer en fleurs écloses ;
    Et les oiseaux, dans les halliers,
    Entre eux déjà parlent de roses ;

    Les bourgeons verts, les bourgeons gris,
    Reluisant de gomme et de sève
    Recouvrent l'écorce qui crève
    Le long des rameaux amoindris ;
    Les bourgeons blancs, les bourgeons rouges,
    Sèment l'éveil universel,
    Depuis les cours noires des bouges

    Jusqu'au pur sommet sur lequel,
    Ô neige éclatante, tu bouges ;
    Bourgeons laiteux des marronniers,
    Bourgeons de bronze des vieux chênes,
    Bourgeons mauves des amandiers,
    Bourgeons glauques des jeunes frênes,
    Bourgeons cramoisis des pommiers,

    Bourgeons d'ambre pâle du saule,
    Leur frisson se propage et court,
    À travers tout, vers le froid pôle,
    Et grandissant avec le jour
    Qui lentement sort de sa geôle,
    Jette sur le bois, le pré,
    Le mont, le val, les champs , les sables,
    Son immense réseau tout prêt
    À s'ouvrir en fleurs innombrables
    Sur le monde transfiguré

    Auguste Angellier (1848-1911)
    Poète et universitaire français, il fut le premier professeur de langue et littérature anglaise de la Faculté des lettres de Lille. Il fut également critique et historien de la littérature.

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  • Cuisson du pain

     

    Les servantes faisaient le pain pour les dimanches,

    Avec le meilleur lait, avec le meilleur grain,

    Le front courbé, le coude en pointe hors des manches,

    La sueur les mouillant et coulant au pétrin.

      

    Leurs mains, leurs doigts, leur corps entier fumait de hâte,

    Leur gorge remuait dans les corsages pleins.

    Leurs deux poings monstrueux pataugeaient dans la pâte

    Et la moulaient en ronds comme la chair des seins.

      

    Le bois brûlé se fendillait en braises rouges

    Et deux par deux, du bout d’une planche, les gouges

    Dans le ventre des fours engouffraient les pains mous.

     

    Et les flammes, par les gueules s’ouvrant passage,

    Comme une meute énorme et chaude de chiens roux,

    Sautaient en rugissant leur mordre le visage.

     

    Emile Verhaeren (1855-1916)

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  • Titre : Fleurs d'aurore

    Poète : Nérée Beauchemin (1850-1931)

    Comme au printemps de l'autre année,
    Au mois des fleurs, après les froids,
    Par quelque belle matinée,
    Nous irons encore sous bois.

    Nous y verrons les mêmes choses,
    Le même glorieux réveil,
    Et les mêmes métamorphoses
    De tout ce qui vit au soleil.

    Nous y verrons les grands squelettes
    Des arbres gris, ressusciter,
    Et les yeux clos des violettes
    À la lumière palpiter.

    Sous le clair feuillage vert tendre,
    Les tourterelles des buissons,
    Ce jour-là, nous feront entendre
    Leurs lentes et molles chansons.

    Ensemble nous irons encore
    Cueillir dans les prés, au matin,
    De ces bouquets couleur d'aurore
    Qui fleurent la rose et le thym.

    Nous y boirons l'odeur subtile,
    Les capiteux aromes blonds
    Que, dans l'air tiède et pur, distille
    La flore chaude des vallons.

    Radieux, secouant le givre
    Et les frimas de l'an dernier,
    Nos chers espoirs pourront revivre
    Au bon vieux soleil printanier.

    En attendant que tout renaisse,
    Que tout aime et revive un jour,
    Laisse nos rêves, ô jeunesse,
    S'envoler vers tes bois d'amour !

    Chère idylle, tes primevères
    Éclosent en toute saison ;
    Elles narguent les froids sévères
    Et percent la neige à foison.

    Éternel renouveau, tes sèves
    Montent même aux coeurs refroidis,
    Et tes capiteuses fleurs brèves
    Nous grisent comme au temps jadis.

    Oh ! oui, nous cueillerons encore,
    Aussi frais qu'à l'autre matin,
    Ces beaux bouquets couleur d'aurore
    Qui fleurent la rose et le thym.


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