• La saison décline

    Voici que la saison décline

    Voici que la saison décline,

    L’ombre grandit, l’azur décroît,

    Le vent fraîchit sur la colline,

    L’oiseau frissonne, l’herbe a froid.

    Août contre septembre lutte ;

    L’océan n’a plus d’alcyon ;

    Chaque jour perd une minute,

    Chaque aurore pleure un rayon.

    La mouche, comme prise au piège,

    Est immobile à mon plafond ;

    Et comme un blanc flocon de neige,

    Petit à petit, l’été fond.

    Victor Hugo

     

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  • Mère, l'enfant

     

    Titre : Mères, l'enfant qui joue à votre seuil joyeux

    Poète : Victor Hugo (1802-1885)

    Recueil : Les rayons et les ombres (1840).

    Mères, l'enfant qui joue à votre seuil joyeux,
    Plus frêle que les fleurs, plus serein que les cieux,
    Vous conseille l'amour, la pudeur, la sagesse.
    L'enfant, c'est un feu pur dont la chaleur caresse ;
    C'est de la gaîté sainte et du bonheur sacré,
    C'est le nom paternel dans un rayon doré ;
    Et vous n'avez besoin que de cette humble flamme
    Pour voir distinctement dans l'ombre de votre âme.
    Mères, l'enfant que l'on pleure et qui s'en est allé,
    Si vous levez vos fronts vers le ciel constellé,
    Verse à votre douleur une lumière auguste ;
    Car l'innocent éclaire aussi bien que le juste !
    Il montre, clarté douce, à vos yeux abattus,
    Derrière notre orgueil, derrière nos vertus,
    Derrière nos malheurs, Dieu profond et tranquille.
    Que l'enfant vive ou dorme, il rayonne toujours !
    Sur cette terre où rien ne va loin sans secours,
    Où nos jours incertains sur tant d'abîmes pendent,
    Comme un guide au milieu des brumes que répandent
    Nos vices ténébreux et nos doutes moqueurs,
    Vivant, l'enfant fait voir le devoir à vos coeurs ;
    Mort, c'est la vérité qu'à votre âme il dévoile.
    Ici, c'est un flambeau ; là-haut, c'est une étoile.

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  • Les Turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil.
    Chio, l'île des vins, n'est plus qu'un sombre écueil.
    Chio, qu'ombrageaient les charmilles,
    Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,
    Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois
    Un chœur dansant de jeunes filles.

    Tout est désert. Mais non ; seul près des murs noircis
    Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis,
    Courbait sa tête humiliée.
    Il avait pour asile, il avait pour appui
    Une blanche aubépine, une fleur, comme lui
    Dans le grand ravage oubliée.

    Ah ! pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux !
    Hélas ! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus
    Comme le ciel et comme l'onde,
    Pour que dans leur azur, de larmes orageux,
    Passe le vif éclair de la joie et des yeux,
    Pour relever ta tête blonde,

    Que veux-tu ? Bel enfant, que te faut-il donner
    Pour rattacher gaîment et gaîment ramener
    En boucles sur ta blanche épaule
    Ces cheveux, qui du fer n'ont pas subi l'affront,
    Et qui pleurent épars autour de ton beau front,
    Comme les feuilles sur le saule ?

    Qui pourrait dissiper tes chagrins nébuleux ?
    Est-ce d'avoir ce lys, bleu comme tes yeux bleus,
    Qui d'Iran borde le puits sombre ?
    Ou le fruit du tuba, de cet arbre si grand,
    Qu'un cheval au galop met, toujours en courant,
    Cent ans à sortir de son ombre ?

    Veux-tu, pour me sourire, un bel oiseau des bois,
    Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,
    Plus éclatant que les cymbales ?
    Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l'oiseau merveilleux ?
    - Ami, dit l'enfant grec, dit l'enfant aux yeux bleus,
    Je veux de la poudre et des balles.

     

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  • Comédie dans les feuilles

    Titre : Comédie dans les feuilles

    Poète : Victor Hugo (1802-1885)

    Au fond du parc qui se délabre,
    Vieux, désert, mais encor charmant
    Quand la lune, obscur candélabre,
    S'allume en son écroulement,

    Un moineau-franc, que rien ne gêne,
    A son grenier, tout grand ouvert,
    Au cinquième étage d'un chêne
    Qu'avril vient de repeindre en vert.

    Un saule pleureur se hasarde
    À gémir sur le doux gazon,
    À quelques pas de la mansarde
    Où ricane ce polisson.

    Ce saule ruisselant se penche ;
    Un petit lac est à ses pieds,
    Où tous ses rameaux, branche à branche,
    Sont correctement copiés.

    Tout en visitant sa coquine
    Dans le nid par l'aube doré,
    L'oiseau rit du saule, et taquine
    Ce bon vieux lakiste éploré.

    Il crie à toutes les oiselles
    Qu'il voit dans les feuilles sautant :
    — Venez donc voir, mesdemoiselles !
    Ce saule a pleuré cet étang.

    Il s'abat dans son tintamarre
    Sur le lac qu'il ose insulter :
    — Est-elle bête cette mare !
    Elle ne sait que répéter.

    Ô mare, tu n'es qu'une ornière.
    Tu rabâches ton saule. Allons,
    Change donc un peu de manière.
    Ces vieux rameaux-là sont très longs.

    Ta géorgique n'est pas drôle.
    Sous prétexte qu'on est miroir,
    Nous faire le matin un saule
    Pour nous le refaire le soir !

    C'est classique, cela m'assomme.
    Je préférerais qu'on se tût.
    Çà, ton bon saule est un bonhomme ;
    Les saules sont de l'institut.

    Je vois d'ici bâiller la truite.
    Mare, c'est triste, et je t'en veux
    D'être échevelée à la suite
    D'un vieux qui n'a plus de cheveux.

    Invente-nous donc quelque chose !
    Calque, mais avec abandon.
    Je suis fille, fais une rose,
    Je suis âne, fais un chardon.

    Aie une idée, un iris jaune,
    Un bleu nénuphar triomphant !
    Sapristi ! Il est temps qu'un faune
    Fasse à ta naïade un enfant. —

    Puis il s'adresse à la linotte :
    — Vois-tu, ce saule, en ce beau lieu,
    A pour état de prendre en note
    Le diable à côté du bon Dieu.

    De là son deuil. Il est possible
    Que tout soit mal, ô ma catin ;
    L'oiseau sert à l'homme de cible,
    L'homme sert de cible au destin ;

    Mais moi, j'aime mieux, sans envie,
    Errer de bosquet en bosquet,
    Corbleu, que de passer ma vie
    À remplir de pleurs un baquet ! —

    Le saule à la morne posture,
    Noir comme le bois des gibets,
    Se tait, et la mère nature
    Sourit dans l'ombre aux quolibets

    Que jette, à travers les vieux marbres,
    Les quinconces, les buis, les eaux,
    À cet Héraclite des arbres
    Ce Démocrite des oiseaux.

     

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