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Par Elettra le 22 Juin 2022 à 08:40
L'enfance
Qu’ils étaient doux ces jours de mon enfance
Où toujours gai, sans soucis, sans chagrin,
je coulai ma douce existence,
Sans songer au lendemain.
Que me servait que tant de connaissances
A mon esprit vinssent donner l’essor,
On n’a pas besoin des sciences,
Lorsque l’on vit dans l’âge d’or !
Mon coeur encore tendre et novice,
Ne connaissait pas la noirceur,
De la vie en cueillant les fleurs,
Je n’en sentais pas les épines,
Et mes caresses enfantines
Étaient pures et sans aigreurs.
Croyais-je, exempt de toute peine
Que, dans notre vaste univers,
Tous les maux sortis des enfers,
Avaient établi leur domaine ?Nous sommes loin de l’heureux temps
Règne de Saturne et de Rhée,
Où les vertus, les fléaux des méchants,
Sur la terre étaient adorées,
Car dans ces heureuses contrées
Les hommes étaient des enfants.Gérard de Nerval
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Par Elettra le 10 Juin 2022 à 09:10
L'Aveugle & Le Paralytique !
Aidons-nous mutuellement...
La charge des malheurs en sera plus légère...
Le bien que l'on fait à son frère.
Pour le mal que l'on souffre est un soulagement.
Confucius l'a dit ; suivons tous sa doctrine.Pour la persuader aux peuples de la Chine,
Il leur contait le trait suivant.
Dans une ville de l'Asie
Il existait deux malheureux,
L'un perclus, l'autre aveugle, et pauvres tous les deux.Ils demandaient au Ciel de terminer leur vie,
Mais leurs cris étaient superflus,
Ils ne pouvaient mourir. Notre paralytique,
Couché sur un grabat dans la place publique,
Souffrait sans être plaint : il en souffrait bien plus.L'aveugle, à qui tout pouvait nuire,
Etait sans guide, sans soutien,
Sans avoir même un pauvre chien.
Pour l'aimer et pour le conduire.
Un certain jour, il arriva
Que l'aveugle à tâtons, au détour d'une rue,
Près du malade se trouva.Il entendit ses cris, son âme en fut émue.
Il n'est tel que les malheureux
Pour se plaindre les uns les autres.
" J'ai mes maux, lui dit-il, et vous avez les vôtres.Unissons-les, mon frère, ils seront moins affreux.
- Hélas ! dit le perclus, vous ignorez, mon frère,
Que je ne puis faire un seul pas,
Vous-même vous n'y voyez pas.A quoi nous servirait d'unir notre misère ?
- A quoi ? répond l'aveugle ; écoutez. A nous deux
Nous possédons le bien à chacun nécessaire,
J'ai des jambes, et vous des yeux.Moi, je vais vous porter ; vous, vous serez mon guide.
Vos yeux dirigeront mes pas mal assurés,
Mes jambes, à leur tour, iront où vous voudrez,
Ainsi, sans que jamais notre amitié décide.
Qui de nous deux remplit le plus utile emploi,
Je marcherai pour vous, vous y verrez pour moi.Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794)
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Par Elettra le 3 Juin 2022 à 08:00
Fragile coquelicot
Dans un monde de regrets...
Suis devenu aussi fragile qu'un coquelicot,......Dont la crainte profonde,
Est de s'ouvrir aujourd'hui, n'est-ce pas trop tôt,
...... Quand la vie se dit moribonde ?
Dois-je contraindre mon âme à fleurir l'autel,
...... Des ambitions finies,
Tant je la vois se morfondre dans l'horizon cruel,
..... D'un vieux cœur qui s'y ennuie ?
Quand l'état d'âme pèse comme le ciel du nord,
...... Dont la plainte profonde,
Monte ainsi vers le ciel remplie de remords,
...... Au la face de ce vieux monde.
Que suis-je intrépide comme ces oiseaux,
...... Dédaigneux des orages,
Qui gracieusement tombent du ciel aux flots,
...... Dans l'amer paysage ?
Je ne suis de ces heureux auxquels n'arrivent rien,
......Ignorants de la brume,
De l'abîme, des cieux, et qui vivant trop bien,
......Connaissent l'amertume...
D'une existence calme et prévue chaque jour,
......D'une douce paresse,
Et dont la lâcheté supplie en vain l'amour,
.....D'enchanter leur vieillesse.
Quand l'âme est aussi frêle qu'un coquelicot,
......Dont la crainte profonde,
Serait de partir de ce monde trop tôt,Alors...
.....Combien me reste-t-il de secondes,
.................Si ce n'est qu'une grosse poignée de secondes ?
TIMILO
www.lejardinpoétiquedetimilo.com
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Par Elettra le 30 Mai 2022 à 08:21
Anatole FRANCE
1844 - 1924Les cerfs
Aux vapeurs du matin, sous les fauves ramures
Que le vent automnal emplit de longs murmures,
Les rivaux, les deux cerfs luttent dans les halliers :
Depuis l'heure du soir où leur fureur errante
Les entraîna tous deux vers la biche odorante,
Ils se frappent l'un l'autre à grands coups d'andouillers.
Suants, fumants, en feu, quand vint l'aube incertaine,
Tous deux sont allés boire ensemble à la fontaine,
Puis d'un choc plus terrible ils ont mêlé leurs bois.
Leurs bonds dans les taillis font le bruit de la grêle ;
Ils halettent, ils sont fourbus, leur jarret grêle
Flageole du frisson de leurs prochains abois.
Et cependant, tranquille et sa robe lustrée,
La biche au ventre clair, la bête désirée
Attend ; ses jeunes dents mordent les arbrisseaux ;
Elle écoute passer les souffles et les râles ;
Et, tiède dans le vent, la fauve odeur des mâles
D'un prompt frémissement effleure ses naseaux.
Enfin l'un des deux cerfs, celui que la Nature
Arma trop faiblement pour la lutte future,
S'abat, le ventre ouvert, écumant et sanglant.
L'oeil terne, il a léché sa mâchoire brisée ;
Et la mort vient déjà, dans l'aube et la rosée,
Apaiser par degrés son poitrail pantelant.
Douce aux destins nouveaux, son âme végétale
Se disperse aisément dans la forêt natale ;
L'universelle vie accueille ses esprits :
Il redonne à la terre, aux vents aromatiques,
Aux chênes, aux sapins, ses nourriciers antiques,
Aux fontaines, aux fleurs, tout ce qu'il leur a pris.
Telle est la guerre au sein des forêts maternelles.
Qu'elle ne trouble point nos sereines prunelles :
Ce cerf vécut et meurt selon de bonnes lois,
Car son âme confuse et vaguement ravie
A dans les jours de paix goûté la douce vie :
Son âme s'est complu, muette, au sein des bois.
Au sein des bois sacrés, le temps coule limpide,
La peur est ignorée et la mort est rapide ;
Aucun être n'existe ou ne périt en vain.
Et le vainqueur sanglant qui brame à la lumière,
Et que suit désormais la biche douce et fière,
A les reins et le coeur bons pour l'oeuvre divin.
L'Amour, l'Amour puissant, la Volupté féconde,
Voilà le dieu qui crée incessamment le monde,
Le père de la vie et des destins futurs !
C'est par l'Amour fatal, par ses luttes cruelles,
Que l'univers s'anime en des formes plus belles,
S'achève et se connaît en des esprits plus purs.
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Par Elettra le 23 Mai 2022 à 07:57
Recette
Pour écrire un poème
J'écoute ma bohème
Et prends négligemment
Un sentiment.
Je lui laisse un domaine
Qui le met à la peine
Pour voir s'il va me faire
Un beau mystère.
Quand il m'a fort ému
Il faut que je remue
Avant l'apparition
D'une émotion.
Je trempe alors ma plume
Au milieu de l'écume
Et la fais ondoyer
Pour m'envoûter
Rappelant mes désirs
Je n'ai plus qu'à écrire
Avec beaucoup de soin
Le mot de fin.
Maurice des Ulis
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