Omaha
Le marbre d’Italie, couvre mes petits frères
Ils sont morts au combat, des années en arrière
Leur vie s’est arrêtée, ce maudit jour de juin
C’était la deuxième guerre, et c’est déjà bien loin.
Jeunesse vertueuse sacrifiant son destin
Jeunesse courageuse venue tendre la main
Au continent soumis brisé par la folie
Au continent meurtri par autant de mépris.
Des milliers de soldats, armada incroyable
Pour partir à l’assaut de ce mur imprenable
Mais on le savait bien, sur cette plage immense
Premières lignes exposées avaient bien peu de chance
Sur la plage d’Omaha votre rêve s’est brisé
Alors mes petits frères qui n’avez plus de mère
Chaque fois que je viens, fouler ce cimetière
Retrouvez son amour dans mes yeux embués.
Danielle de Cacqueray-Sevestre
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Le baiser de la terre
L’averse fond du sud ouest comme un avion.
La lumière vire, le monde chavire, les couleurs changent.
Tout devient gris puis cendre puis suie
Alors l’averse balaie le champ de bataille
Déversant du ciel une eau sans couleur
Violente amante de la terre normande
Elle courbe les arbres du parc et fourbit
Ses armes aux falaises de grès
Comme pour toujours plus profondément
Laver tout ce sang versé sur la lande.
Souffle et tourbillons parmi neuf mille sépultures
Comme neuf mille fleurs sous la neige
Les vivants eux-mêmes ensevelis
Sous l’orage et sous l’ennui.
Le vacarme des armes n’est plus qu’un fantôme
Qui plane sur la pelouse, déversant des larmes
De cristal et de métal sur les jours
Les heures et les ans. Le printemps des combattants
Ne connaîtra pas d’automne ni d’hiver
Puisqu’il faut mourir par un beau soir de juin
Et embrasser la terre qui donne le lait
Le lait de la victoire, si belle, si loin
Des grandes plaines et de l’amour dans les foins
Du miel aux commissures des lèvres
Et des claquettes de Fred Astaire.
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Victoire
Sonnez, sonnez, les Cloches de la Victoire
Bribes d’émotion superbe, de Paix et de Gloire.
S’ouvre l’Histoire aux confins d’un sanglant passé,
Et surgit le cortège, en ordre dispersé,
Des Lieux, du Temps, bruits d’épées, bombardements,
Ils furent tous si beaux bébés et trop courts moments.
Ciel et mer confondus, lieu de leur sacrifice,
Ils sont là au point brûlant, sublime Calice
De nos souvenirs de profonde Admiration,
Interdit du retour de l’abomination.
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Une si jolie plage
Sur une plage de Normandie, où je m’étais assoupi, la tête contre la sol, les galets m’ont raconté :
C’est sur ces rivages détrempés d’averses, par un jour du mois de juin, que nous avons vu surgir des barges dans la brume du petit matin.
En face, habillés d’autres uniformes, nous avons surpris l’agitation. Des hommes allaient mourir en masse pour la folie d’un dictateur, avide de pouvoir et de révolution.
Sous une pluie de flammes, perdus dans la bagarre, les rescapés des premières vagues, épargnés par la mitraille, sur nous se sont couchés, priant pour que cela cesse, cherchant dans ce brouillard de guerre la silhouette de leurs amis tombés.
Le sang de tous ces braves sur nous s’est répandu, imprégnant nos plages profondément. Ces jeunes gens venus d’ailleurs, jamais n’accompliraient leurs rêves d’adolescent, à tout jamais effacés.
Quand le fruit de la violence fut consommé, il ne restait sur nous que des cadavres que l’on avait alignés comme des points comptés, pour afficher le résultat d’une journée d’enfer que seul les livres ont conservé.
La mer, depuis, a nettoyé les plages, mais dans le sol, enfoui profondément, il y a encore des armes qui attendent les mains de leurs garçons. Ceux-ci reposent en terre de France, sur une pelouse de commémoration couverte de la bannière étoilée sous laquelle ils sont nés.
Ni les orages, ni les ressacs, n’ont pu effacer les cicatrices que les plages portent à jamais comme un éternel supplice. Nous avons deviné ces mères, qui longtemps on pleuré leurs enfants, leurs maris, morts au nom de la liberté.
Que reste-il dans vos mémoires de ce lourd tribut payé ? Si vous jouissez aujourd’hui encore du droit d’être libre, c’est grâce à tous ces valeureux soldats venus vous délivrer de l’infamie d’un être que la terre n’aurait jamais du porter.
Les yeux ouverts dans les étoiles, dans la nuit fraîchement tombée, je me suis relevé, regardant la plage paisible et calme. Bien des questions je me suis posées.
Rien ne justifie pareil acte de barbarie, ni territoire ni religion, nous n’avons pas tiré d’enseignements de toutes ces vies sacrifiées sur l’autel de la bêtise, que l’homme manie pour dessiner à sa guise les frontières de son insatisfaction.